Maigrir à tout prix?

Je suis la cadette d'une famille de 5 enfants, mon frère aîné a 16 ans de plus que moi et il s'est très vite pris pour le chef et famille (réussite sociale etc...etc...). A 7 ans il a convaincu mes parents de me mettre au régime, j'avais 5 kg de trop. Pendant 2ou 3 mois tout était cuisiné sans aucune graisse, je n'avais plus droit au sucre normal (mais à un infâme truc liquide), pain blanc supprimé et remplacé par du pain complet, tout était pesé au gramme près. Je me souviens du centre aéré aussi où tous mes camarades mangeaient du chocolat et du pain au goûter et moi j'en était privée.

Je ne pardonne pas à mon frère ce qu'il ma fait endurer. Déjà mise au ban de la société si jeune. C'est de là que datent vraiment mes TCA et je me demande encore par quel miracle je n'ai pas fini obèse ou anorexique.

Rapidement devant cet acharnement inhumain (oui quand on a 7 ans se voir privée de tout ce qu'on aime c'est inhumain) je me suis mise à penser que je n'étais pas digne d'être aimée par les adultes. Je me suis également mise en tête que j'étais une personne anormale, presque répugnante. J'ai commencé à voler de la nourriture de temps en temps pour me consoler de cette angoisse du rejet.

Heureusement ma mère a toujours été très dévouée et aimante, je pense que c'est grâce à elle que je n'ai pas littéralement pété les plombs.

Je me souviens des humiliations totales quand mon frère et sa femme parlait de moi à table, disaient à ma mère "elle doit maigrir, sinon elle finira obèse". Sympa ce "elle" surtout que j'étais là. On ne prenait même pas la peine de s'adresser à moi directement. Mon abruti de frère a même tenté de faire pression à un moment sur ma mère (je devais être en 6e) pour qu'elle négocie un régime spécial à la cantine avec le principal. J'étais mortifiée. Ce type est aujourd'hui proviseur, donc à priori spécialiste des ado et de leurs psychologie complexe.

Etant plutôt docile je fais ce qu'il faut et je retrouve un poids normal en 4e. Mais la crise d'ado arrive, chez moi elle est discrète, je suis gentille, posée, bonne élève, joyeuse. Mais comme tout le monde je me pose des questions, j'ai peur de devenir adulte. Alors je mange. Je prends plus de 10kg mon année de 3e et au fil des années je continue à grossir. Je suis vraiment en surpoids au lycée mais je me décide à faire une fois pour toute un régime. Je perds 15kg, je suis mince et heureuse mais je n'ai pas pris conscience de mes TCA que je garde enfouis en moi comme des souvenirs honteux.

La fac, l'angoisse de ne pas être à la hauteur (merci à mon frère qui continue à me mettre la pression pour me façonner à son image je suppose). Il crée un nouveau trouble là où il n'en existait pas. J'ai peur de rater ma vie. Je suis pétrifiée et je n'ose passer aucun concours ("tu comprends peu d'élus ma pauvre").  Je me torture à imaginer des solutions de repli, je n'y arrive pas et c'est vers 21 ans que je retrouve ma plus fidèle compagne : la bouffe. Ca m'aide à combler les angoisses d'échec. Je reprends 10 kg sur deux ans.

En arrêtant de fumer j'en gagne 8 de plus. Je me hais, j'ai des crises violentes et je frôle la boulimie (je songe de plus en plus à me faire vomir) et j'ai honte de ce corps. J'ai la sensation de n'être qu'une ratée. Une amie me parle de Zermati. Je lis le livre et j'ai une révélation. Je suis atteinte de TCA (20 ans de honte et de souffrances pour en arriver à ce diagnostic). Au bout de qq mois je perds 12 kg. Je suis toujours un peu ronde mais je m'accepte. Je ne compulse plus mais je n'ai toujours pas réglé mes problèmes alimentaires.

Un nouveau sevrage tabagique et de gros soucis professionels surviennent. J'ai des crises d'angoisse récurrentes. Je mange, je mange, je mange et fatalement je reprends 10 kg.

Ca fait mal, ça me déstabilise totalement, j'ai grossi en 6 mois. Je ne pensais pas revivre ça un jour.

J'ai changé de boulot, retrouvé des conditions de travail normales mais l'angoisse ne me quitte plus. J'ai décidé de réagir et de tenir un journal de bord. Je me pose des tas de questions, j'ai peur de ne pas être à la hauteur (c'est une angoisse très régulière chez moi, on se demande bien pourquoi...) mais je veux aller de l'avant.